En ces temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire.
(George Orwell)
LE 11 JANVIER 2013
Influence comme utilité de l'évaluation: commentaire
Un article publié par Sarah Appleton-Dyer, Janet Clinton, Peter Carswell et Rob McNeill dans le American Journal of Evaluation (vol. 3, no. 4, pp. 532-546) a suscité notre intérêt. Dans une période où les budgets d'évaluation des programmes gouvernementaux rétrécissent sans cesse, la question de l'utilité de l'évaluation devient de plus en plus pressante. Les auteurs de Understanding Evaluation Influence Within Public Sector Partnerships: A Conceptual Model fondent leur exploration de ce thème sur la littérature.
Comme Appleton-Dyer, Clinton, Carswell et McNeill le mentionnent, « l'utilité de l'évaluation (...) est un phénomène complexe qui n'est toujours pas bien compris ». (p. 532) Après avoir brièvement décrit les quatre types d'utilité de l'évaluation habituellement inventoriés (utilisation instrumentale, conceptuelle, symbolique, et procédurale), ils choisissent de mettre cette typologie de côté et de se concentrer sur l'influence en tant qu'utilité de l'évaluation, parce que « ce terme regroupe les conceptions traditionnelles de l'utilité, ainsi que les divers changements aux niveaux individuel, interpersonnel et collectif ». (p. 533) Les auteurs mettent aussi en lumière « les nombreux facteurs qui affectent l'influence d'une évaluation, dont le contexte ». (p. 533) L'article se base sur la littérature d'autres disciplines pour répertorier les éléments qui pourraient contribuer à l'utilité d'une évaluation. Ces éléments sont subdivisés en plusieurs catégories, qui, selon la littérature, peuvent interagir ensemble. Parmi ces éléments, on retrouve :
- les attributs d'une évaluation
- les caractéristiques d'un partenariat
- le fonctionnement d'un partenariat
- le comportement adopté dans le partenariat d'évaluation
- le mécanisme d'influence d'une évaluation
- les caractéristiques des individus impliqués
- les retombées de l'influence d'une évaluation
- D'autres facteurs contextuels
Commentaire
- Bien que nous reconnaissions les efforts que les auteurs mettent à synthétiser la pensée professionnelle entourant l'influence comme utilité de l'évaluation dans les partenariats du secteur public, il nous semble que cette recherche constitue une exploration de la littérature disponible plus qu'un effort de réflexion novatrice. Cela dit, nous pouvons espérer que cette attention accrue à l'utilité de l'évaluation mènera à davantage de réflexions créatives sur ce thème.
- Des éléments résumés dans cet article comme pouvant contribuer à l'utilité d'une évaluation, il appert que seul un petit nombre est contrôlé par l'évaluateur. Par exemple, l'évaluateur joue un rôle limité dans la détermination des caractéristiques du partenariat, et, dans le cas des évaluateurs externes, les attributs de l'évaluation sont déterminés avant que l'équipe d'évaluation soit impliquée.
- De plus, nous pensons que davantage d'importance devrait être accordée aux facteurs contextuels dans l'analyse des éléments contribuant à l'utilité de l'évaluation. Dans l'article, les questions de culture organisationnelle, climat politique, etc. ne sont mentionnés qu'au passage, alors qu'elles pourraient dans les faits jouer un rôle central dans la capacité de l'évaluateur d'affecter l'influence de l'évaluation pour le mieux.
- En dernier lieu, nonobstant les intentions des auteurs, nous doutons que le modèle d'influence de l'évaluation décrit dans cet article aborde vraiment la question de la complexité dans le cas des problématiques qui tendent à générer des partenariats dans le domaine de la santé publique. Tel que les auteurs l'expliquent, « en santé publique en particulier, les partenariats sont souvent mis sur pied pour s'attaquer à des problèmes tels que l'obésité, les grossesses chez les adolescentes, et l'exclusion sociale ». (p. 533) Ce genre de problème a été décrit par d'autres auteurs[1] comme des « problèmes épineux » (wicked problems) dont et on dit que la complexité et la nature plastique doit être reconnue pour permettre une résolution de problème créative et collaborative. Il reste à savoir comment le modèle d'influence comme utilité de l'évaluation, tel que présenté dans cet article, peut être appliqué à des problèmes complexes – et épineux – du domaine de la santé publique.
[1] Le terme provient d'abord du champ de l'urbanisme en 1973 chez Rittel et Webber. Voir les introductions suivantes : New Tools For Resolving Wicked Problems et An Introduction to Wicked Problems
Retourner à la page d'accueil
Afficher toutes les nouvelles